Une semaine de volontariat au Laos
- Isaure et Augustin
- 2 mars 2017
- 6 min de lecture

Après avoir traversé le Mékong, nous sommes accueillis au Sabaidee Restaurant par Vieng, la femme de Khamla. Elle ne parle que quelques mots d'anglais, et ne parvient pas à nous expliquer quand son mari est censé revenir. Aussi, nous attendons dehors en compagnie de deux autres volontaires arrivés quelques heures avant. Trois heures plus tard, alors que nous commençons à diner, nous voyons arriver un scooter duquel descendent deux hommes légèrement éméchés : Khamla et Antonin, un cinquième volontaire avec lequel nous ferons par la suite un bout de chemin. Ils ont passé la journée sur une autre île, à construire une deuxième école pour dispenser des cours d'anglais aux enfants, la "bamboo school". Nous dînons tous ensemble, et écoutons Khamla nous raconter son enfance, ses six années passées dans un temple en tant que moine bouddhiste, son projet de cours d'anglais qui s'est concrétisé il y a quinze mois seulement... Bien fatigués, nous allons ensuite nous coucher dans une des chambres de sa maison. Nous sommes alors étonnés de voir que notre chambre donne directement sur les deux chambres voisines, les fenêtres sans vitres n'étant obstruées que par un mince rideau. Khamla, sa femme et ses deux jeunes enfants vivent donc dans une petite chambre toute l'année, sans grande intimité, entourés par des volontaires ...
Dès le lendemain, à 16 heures passées, nous nous apprêtons à donner notre premier cours. Nous pensions être coachés par Khamla pour notre premier jour, mais il ne semble pas être dans les parages lorsque les enfants arrivent. Nous avons préparé tant bien que mal cette première heure, en regardant notamment vaguement ce que les enfants avaient appris les semaines précédentes. Nous avons choisi, avec Antonin, de nous occuper du groupe de niveau 2. Vers 16h15, six enfants viennent donc s'asseoir autour de la table, et nous commençons. Leur anglais étant encore très approximatif - ils ne l'apprennent que depuis 4 mois - le plus dur en tant que prof est de se faire comprendre, et d'expliquer les consignes. Si les enfants connaissent déjà le vocabulaire basique, ils ont beaucoup de mal à comprendre - et à énoncer - des phrases complètes, ce qui rend parfois l'enseignement délicat. Le premier jour, nous leur demandons de se présenter, et leur montrons quelques origamis que les élèves de CE2 qui nous suivent depuis Nanterre leur avaient fait. Cela semble beaucoup les amuser, c'est pourquoi nous choisirons à l'avenir de leur préparer des cours plutot ludiques. Autant apprendre en s'amusant, surtout quand on sait que les enfants on déjà une journée de cours derrière eux !
Le bilan du soir est mitigé : nous aurions aimé profiter d'une rapide formation de la part de Khamla, qui nous a finalement laissés totalement libres de gérer nos cours selon nos souhaits. Cette liberté pourrait être utile à des volontaires de longue durée, qui pourraient alors prévoir leurs cours à plus long terme, mais elle nous semble ici peu profitable aux enfants...

Le lendemain matin, après avoir profité d'un magnifique lever de Soleil depuis notre chambre donnant sur le Mekong, nous partons dès 9h en direction d'une autre île, sur laquelle nous allons participer à la construction de la bamboo school. Une petite heure de bateau plus tard, et nous voilà prêts à travailler ! Nous découvrons alors les méthodes de construction laotiennes, bien loin des normes de sécurité françaises ! La structure de base est constituée de 4 troncs d'arbres enfoncés d'une quarantaine de centimètres dans le sol. Pas besoin de fondations, on rebouche simplement les trous ! On relie ensuite le haut des troncs à l'aide de planches, puis on met en position la charpente. Le toit, nous le renforçons à l'aide de bambous qui serviront de supports à de grandes feuilles empilées les unes sur les autres. Les murs, quant à eux, sont fait de parpaings jusqu'à mi hauteur, suivis par des bambous. C'est très sommaire, mais cela a le mérite d'être peu coûteux, et très rapide à construire. Nul besoin de compétences hors du commun, tous les volontaires trouvent une tâche à leur portée ! Aller chercher des kilos de sables sur la plage, de l'eau dans le Mékong, monter un mur en parpaings ou encore faire l'équilibriste à trois mètres de hauteur afin de mettre en place les bambous sur le toit... Cela aura été une belle expérience !

Au fil de la semaine, nous prenons de l'assurance et nous nous sentons de plus en plus à l'aise avec les élèves. Antonin trouve même une guitare pour leur apprendre une chanson sur les pays du monde. Les enfants participent bien, et semblent apprécier nos cours. L'ambiance est très bonne dans ce lieu paisible le long du Mekong. Pendant la semaine, nous sommes jusqu'à 8 volontaires, presque tous français. Le soir, nous passons de bons moments ensemble autour d'une bière laotienne. Cela permet d'échanger les bons plans entre voyageurs, de raconter nos expériences respectives. C'est d'ailleurs Antonin qui nous proposera de l'accompagner sur le plateau des Bolovens, qui sera donc notre prochaine destination.
Khamla nous reçoit très bien : sa femme ou lui nous cuisinent des plats locaux et c'est avec plaisir que nous découvrons la culture et la cuisine laotienne. Du sticky rice - riz littéralement collé que l'on mange avec les doigts en formant des boules - au lao-lao, alcool local que les laotiens boivent à la moindre occasion, Khamla nous permet de nous immerger dans la culture de la région. Culinairement, c'est une belle découverte car nous ne connaissions pas du tout la cuisine laotienne et que nous avons vraiment apprécié. Point de vue alcool, le lao-lao s'apparente plus à un désinfectant surpuissant mais nous aurons eu le privilège de découvrir cet alcool fait maison !
L'annonce de chaque repas fait naître en nous une excitation enfantine, nous regardons les plats qui arrivent avec des yeux ronds, essayant toujours et encore d'en deviner les ingrédients et le goût avant de pouvoir enfin goûter !

Pourtant, quelque chose nous dérange dans cette façon de gérer les choses par Khamla. La construction de la nouvelle école, seulement 15 mois après l'ouverture de lapremière, nous a quelque peu intrigués. L'extension du projet à une deuxième école nous semble en effet prématurée, les méthodes d'enseignement restant selon nous à parfaire. Les volontaires se succédant de semaines en semaines, le manque de continuité de l'enseignement est criant, et ne semble pas déranger notre hôte. En effet, lui-même a appris l'anglais dans un temple bouddhiste auprès de volontaires du monde entier. Ce modèle, bien loin du modèle que nous connaissons, est donc, dans son référentiel, un modèle qui fonctionne. Pourtant, l'élaboration d'un programme global de cours sur plusieurs mois serait sans doute profitable aux élèves. Nous aurions de meme aimé avoir du temps de préparation des cours encadré par Khamla au moins les premiers jours car il est difficile de proposer des cours adaptés au niveau des élèves au début. Pourquoi donc se précipiter sur une deuxième école quand la première n'est pas aboutie ? La nouvelle école, que Khamla a nommée "Mekong Beach", est censée accueillir entre 8 et 10 volontaires pour une quinzaine d'élèves, un rapport quelque peu déséquilibré. Tous ne seront pas utiles à la classe, loin de là. Plus encore, être 10 pour une classe a selon nous l'effet inverse : celui de se déresponsabiliser car on se dit alors que quelqu'un d'autre aura bien une idée pour faire le cours tandis que la préparation ne peut de toute façon pas se faire à 10. Quand on sait qu'un volontaire paie 8 dollars par jour pour être accueilli, cela laisse songeur... Nous ne mettons absolument pas en doute les intentions de Khamla, qui se soucie bien évidemment du bien-être des enfants, et a déjà fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là. Son projet est réfléchi et part d'une réelle envie d'offrir plus de chances aux enfants du village dans la poursuite de leurs études. Nous regrettons simplement le manque d'échange qu'il nous a offerts, et le peu de place qu'il semble laisser aux idées des volontaires. Ainsi, à de nombreuses reprises, nous l'écoutons raconter ses histoires, ses voyages, sa famille... nous connaissons tout de lui, mais lui rien de nous. Il répond à toutes nos questions sans nous en poser aucune, si bien qu'il attendra la fin de la semaine, et le moment de la remise symbolique des diplômes de "English teacher" pour nous demander nos prénoms. La veille de notre départ, nous lui soumettons tout de même quelques idées d'amélioration. Peut-être en fera-t-il quelque chose, qui sait !
Cette semaine aura donc été une très belle expérience humaine, auprès des enfants et des autres volontaires. Nous aurons fait de belles rencontres, celle de Khamla y compris, qui nous a fait découvrir le Laos et sa culture, tout en nous racontant son histoire, très riche et passionnante. Nous repartirons avec le petit regret de n'avoir pu réellement échanger avec cet homme, de n'être que deux volontaires parmi tant d'autres mais avec le bonheur d'avoir vu de près un projet concret, un homme qui agit pour faire évoluer les choses et d'avoir découvert le Laos et la richesse des îles du Sud !

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